Serial Non-Reposeur - Et si le Repos Était Votre Acte le Plus Courageux ?
Réapprendre à s’arrêter dans un monde qui valorise la vitesse.

Et si je vous disais que le repos n’est pas un luxe, mais une nécessité biologique, émotionnelle et créative ? Que vous soyez parent, entrepreneur, artiste ou sportif, cette vérité s’applique à vous. Pourtant, pourquoi est-il si difficile de s’arrêter ?
Dans notre culture de l’hyperconnexion, le repos est souvent incompris, sous-estimé, voire confondu avec de la paresse. Malgré une prise de conscience croissante autour de la santé mentale et du bien-être, beaucoup peinent encore à ralentir, non pas par manque d’intérêt, mais parce qu’ils sont prisonniers d’un cycle constant de faire, produire et tenir bon. Le repos passe souvent sous le radar, perçu comme optionnel plutôt qu’essentiel. Mais le vrai repos, celui qui restaure au lieu de simplement mettre sur pause, est fondamental pour la résilience, la clarté d’esprit et la performance durable. Cet article explore l’importance du repos, la science qui la soutient et propose des façons concrètes de reconsidérer notre rapport au repos au quotidien.
Même avec un diplôme avancé en santé mentale et bien-être, j’ai une confession à faire : je suis un serial non-reposeur.
Je connais la science. Je comprends les études. Je coach les autres pour qu’ils priorisent leur bien-être. Pourtant, quand il s'agit de m’appliquer ces principes, le repos est souvent ce qui disparaît en premier.
J’ai toujours été programmé pour l’action. Il y a toujours une tâche, une échéance, une occasion d’être utile. Le repos ? Ça a longtemps été, pour moi, une récompense à remettre à plus tard, à accorder seulement une fois la liste de tâches rayée (ce qui, soyons honnête, n’arrive jamais).
Avec le temps, j’ai compris que je n’étais pas seul. Beaucoup d’entre nous, surtout ceux qui occupent des fonctions d’accompagnement, de leadership ou de haute performance, portent en eux la croyance, parfois inavouée, que le repos est un luxe, voire un acte égoïste. Mais j’ai réalisé une chose : le repos n’est pas un luxe. C’est un socle. Et pour celles et ceux qui ont du mal à s’arrêter, c’est peut-être l’acte le plus courageux qui soit.
Cet article est autant une réflexion qu’une remise en question. Je ne l’écris pas parce que j’ai dompté le repos, je l’écris parce que j’apprends à l’honorer. Et peut-être qu’en tant que serial non-reposeur, ça pourrait aussi vous donner un petit coup de pouce (et une permission) pour en faire autant.
Le mythe du repos comme paresse ou faiblesse
J’ai longtemps cru que le repos devait se justifier. Qu’il venait après tout le reste : le travail terminé, la boîte mail vidée, la valeur prouvée par l’action. Dans ce récit, le repos se mérite. Et si ce n’était pas fait, ou que d’autres comptaient encore sur moi, alors se reposer relevait presque de la trahison.
Ça vous parle ?
Dans notre culture obsédée par la productivité, l’action est glorifiée. On mesure nos journées à ce qu’on produit, notre valeur à notre niveau d’occupation, notre réussite à cette capacité à tout mener de front. Le repos, lui, est souvent taxé de paresse, de faiblesse ou, pire, de perte de temps.
J’ai reçu plus de compliments sur mon éthique de travail que sur ma capacité à prendre soin de moi. On m’a qualifié de « dévoué», « motivé», « fiable », des étiquettes dont j’étais fier. Mais jamais personne ne m’a dit : « J’admire ta façon de te reposer. » La vérité, c’est que je ne leur en ai jamais donné l’occasion.
On parle trop peu du prix de cette pression constante. Être toujours « on », ça finit par user notre bien-être, nos relations, notre créativité. On intériorise le mythe du repos optionnel, et à force, on se consume tranquillement tout en prétendant que tout va bien.
Mais le repos n’est pas une fuite devant la vie, c’est ce qui nous permet d’y faire véritablement face.
Les coûts cachés du non-repos chronique
À force de courir, quelque chose finit forcément par lâcher. Parfois, c’est votre sommeil. Parfois, votre attention. Parfois, votre joie. Chez moi, cela s’est traduit par plus d’agitation mentale, moins de présence, plus d’irritation. Mon corps fonctionnait, mais mon esprit et mon âme avançaient à vide.
On ne réalise le coût du manque de repos que lorsqu’on y est contraint. Il se traduit par un stress chronique, une fatigue décisionnelle, une réactivité émotionnelle, un éloignement du sens. Il érode notre résilience.
Ironiquement, les objectifs qu’on espère atteindre par le surmenage, succès, impact, contribution, deviennent hors de portée sans repos. On fait plus, mais on est moins.
C’est un signal d’alarme auquel j’ai dû répondre. Pas par choix, mais par nécessité.
Ce que dit la science sur le repos
Ma formation en santé mentale et bien-être ne laisse aucun doute : le repos est essentiel. Ce n’est pas juste une question de reprendre son souffle, c’est tout le système qu’il faut rééquilibrer. Le repos permet de réguler le système nerveux, de restaurer la cognition, de soutenir l’équilibre émotionnel et de préserver la santé à long terme.
Et ce repos, ce n’est pas seulement dormir. Dans un article de 2021, la Dr Saundra Dalton-Smith explique que le repos = régénération dans sept dimensions de la vie : physique, mentale, émotionnelle, sensorielle, créative, sociale et spirituelle. Elle insiste sur le fait que beaucoup souffrent d’un “déficit de repos” parce qu’ils n’en comprennent pas la puissance.
- Repos physique (passif comme le sommeil, ou actif comme le yoga)
- Repos mental (mettre en pause l’agitation de la pensée)
- Repos émotionnel (pouvoir être honnête et sans filtre)
- Repos sensoriel (débrancher des écrans et du bruit)
- Repos créatif (laisser entrer l’inspiration, l’émerveillement)
- Repos social (prendre du recul par rapport aux interactions qui épuisent)
- Repos spirituel (se relier à quelque chose de plus grand que soi)
L’approche de Dalton-Smith met des mots sur un ressenti courant, cette fatigue que le sommeil seul ne suffit pas à réparer. Un week-end au vert ou un coucher anticipé aident, mais si la dette de repos n’est pas traitée en profondeur, l’épuisement revient vite.
Repenser le repos, ce n’est donc pas « faire moins » pour le principe, c’est restaurer ce que la vie moderne épuise, avec lucidité, compassion et régularité.
Pour celles et ceux qui veulent explorer leurs propres besoins de repos, Dr Dalton-Smith propose un auto-test en ligne :
Rest Quiz :
https://www.restquiz.com/quiz/rest-quiz-test/, ce quiz aide à repérer les types de repos qui vous manquent et vous donne une piste personnalisée pour retrouver l’équilibre et l’énergie.
Megan Reitz et John Higgins (2025) décrivent le pouvoir des pauses mentales pour (re)prendre du recul, réguler les émotions, mieux décider, surtout dans les contextes à haut niveau d’exigence. Selon eux, «s’accorder plus d’espace pour penser» n’est pas un luxe mais une nécessité pour un leadership efficace.
De même, Nataly Kogan (2025) a développé un guide pratique pour faire de vraies pauses au travail. Même un arrêt court, s’il est intentionnel, permet de limiter la surcharge cognitive et de prévenir le burnout. Selon elle, instaurer des petits rituels pour relancer l’attention (marche, respiration, déconnexion d’écran) est clé.
L’ensemble de ces recherches récentes le confirme :
Le repos n’est pas une récompense. C’est un prérequis.
Réapprendre à se reposer : une expérience personnelle
Me voilà donc, travailleur(se) en cours d’apprentissage du repos. Pas parfaitement. Pas toujours de bon gré. Mais avec intention.
Le repos, j’ai compris, ce n’est pas juste « dormir plus » ou « faire moins ». C’est créer de micro-moments de récupération tout au long de la journée, reconfigurer son système nerveux, pas juste fuir le stress. Mon vécu en santé mentale me l’a appris : le système nerveux central ne ment jamais, l’apprivoiser, c’est développer de vraies habitudes de régulation, de résilience, de récupération.
Parmi les outils qu’on m’a recommandés, et que j’essaie doucement d’intégrer, il y a ceux que j’ai découverts via Bressie (Niall Breslin) lors du Big Summit de Galway : un mélange de science, vécu et bienveillance qui m’a touché(e). Ces pratiques simples mais intentionnelles visent à apaiser le système nerveux et à se reconnecter à soi, même en pleine tempête quotidienne :
- Gratitude au réveil : avant de quitter le lit, se concentrer sur cinq sujets de gratitude, un par doigt de la main gauche. Une façon de cadrer la journée : présence avant pression.
- Respiration 4-7-8 : pour marquer les transitions de la journée, inspirer par le nez sur 4 temps, retenir sur 7, expirer lentement sur 8. Répéter 8 fois. Un signal physiologique pour ralentir.
- Soupirs physiologiques : deux inspirations rapides par le nez, une longue expiration par la bouche, à faire trois fois. Une méthode rapide et prouvée pour réduire le stress.
- Scan corporel : trois fois par semaine. Un check-in express et intérieur pour observer, respirer, relâcher.
- Digital Reset 7-7-7 : couper son téléphone de 19h à 7h, durant 7 jours. Bressie prône même des “Nokia Sundays”, une journée entière sans smartphone.
- Respiration au coucher (cadencée) : ralentir son rythme à 6 respirations/minute. Inspirer 5 temps (main gauche), expirer 5 temps (main droite). Un rituel d’endormissement qui envoie des signaux de sécurité, de calme.
Le repos n’a pas la même saveur pour tous. Pour un(e) cadre débordé(e), ce sera cinq minutes de silence entre deux réunions. Pour un(e) aidant(e), une courte marche solitaire ou dix minutes de journal intime. Les créatifs reposeront leur esprit en changeant de support : peindre au lieu d’écrire, jouer de la musique au lieu de gérer des écrans. Ce qui compte, c’est de ressentir le repos dont on a le plus besoin, et oser l’honorer sans culpabilité.
Il ne s’agit pas de perfection, mais de pratique. Et cela requiert une force singulière : savoir ralentir, rester immobile, ressentir.
Le repos, j’en fais l’expérience, n’est pas l’opposé de l’ambition, c’est ce qui la rend soutenable. Ce n’est pas une chose qu’on mérite après en avoir fait assez.
C’est ce à quoi on a droit, simplement parce qu’on est humain.
Points clés : Réapprendre le repos
- Le repos, ce n’est pas juste le sommeil, c’est une restauration intentionnelle de plusieurs sphères.
- Dr Dalton-Smith distingue sept types de repos : physique, mental, émotionnel, sensoriel, créatif, social, spirituel.
- Le travail de la respiration, le scan corporel, les rituels de gratitude ou les déconnexions digitales sont de vrais outils pour “entraîner” son système nerveux à s’arrêter et récupérer.
- Le repos n’est pas une récompense après la productivité : c’est la base d’un bien-être durable.
- Reconsidérer le repos comme une force, non une faiblesse, est une clé pour s’épanouir aujourd’hui.
Un appel à tous les serial non-reposeurs
Que vous soyez parent, leader, aidant ou simplement quelqu’un qui se débat pour suivre le rythme, sachez ceci : le repos n’est pas une récompense à gagner, mais un droit à revendiquer. Personne ne vous donnera la permission de ralentir. Prenez-la.
Commencez petit, si nécessaire : cinq minutes de silence, une respiration consciente, une tâche rayée de votre liste pour laisser place à un moment de vide. Demandez-vous seulement : quel repos me ferait du bien, maintenant ?
Le repos n’est pas une fuite, mais un retour à soi. Une façon de reprendre possession de votre temps, de votre énergie, de votre capacité à vivre sans vous épuiser. Comme l’écrivait Sénèque : "La vie, c’est comme une histoire : ce n’est pas la durée qui compte, mais la qualité." Alors aujourd’hui, quel sera votre premier geste de repos ? Une pause sans écran, une marche sans but, ou simplement fermer les yeux et écouter le monde autour de vous ?
Le plus grand acte de rébellion, dans un monde qui glorifie la vitesse, est peut-être de s’arrêter. À vous de jouer.
La vie, c’est comme une histoire : « Ce n’est pas la durée de la vie qui compte, mais la qualité » (Sénèque). Le repos, c’est écrire les meilleures pages.
Reference
Dalton-Smith, S. (2021). The 7 types of rest that every person needs. [online] ideas.ted.com. Available at: https://ideas.ted.com/the-7-types-of-rest-that-every-person-needs/.
Kogan, N. (2025). A Guide to Taking Better Breaks at Work. [online] Available at: https://hbr.org/2025/02/a-guide-to-taking-better-breaks-at-work.
Reitz, M. and Higgins, J. (2025). How to Give Yourself More Space to Think. [online] Harvard Business Review. Available at: https://hbr.org/2025/02/how-to-give-yourself-more-space-to-think.












